dimanche 27 janvier 2013

Éblouissantes crevettes bruyantes

     Tous navigateurs ont déjà entendu ce fameux crépitement sous la coque… Et chacun y va de sa propre théorie…. Bruit de pluie provenant du dessous de la coque, écho du ressac lointain dans les lagons, bruit ambiant propagé sous les eaux, la polymérisation, les poissons qui mangent le filmologique de fooling qui se dépose sur la carène, ou encore un peu plus lyrique, ce sont les sirènes qui appellent leurs amants ou les crevettes qui claquent des doigts en dansant et les moules les accompagnent en jouant des castagnettes. Olé ! 

     Selon le monde scientifique, ce véritable brouhaha est le bruit des crevettes claqueuses Alpheus heterochaelisi. Ces crustacés de quatre à cinq centimètres de long perturbent les communications sous-marines et compliquent sérieusement la détection acoustique des submersibles et des navires. Ils sont même l'une des principales sources de bruit au fond des océans tropicaux et on en trouve jusque dans la mer du Nord. Pendant longtemps, scientifiques et militaires ont cru que le bruit émis par le crustacé provenait du choc entre les deux mâchoires de l'une de ses deux pinces, nettement plus grande que l'autre. Mais le niveau sonore constaté - qui dépasse les 200 dB pendant une infime fraction de seconde -, découvriront les chercheurs par la suite, ne colle pas avec l'idée de pinces qui «applaudissent». Aussi ce bruit se doublerait d'un feu d'artifice de lumière, même s'il est trop faible pour être observé à l’œil nu.
La pince de la crevette projette de l'eau à près de 100 kilomètres par heure, une vitesse telle que survient le phénomène de cavitation: l'eau se vaporise localement dans le jet et forme une bulle. Quand la vitesse du jet ralentit, la bulle implose et émet une petite onde de choc.
Chez la crevette, la cavitation serait un moyen d'éloigner les prédateurs, notamment des petits crabes, voire de les tuer. Et ses performances sont impressionnantes: près de 30 000 claquements de pince par seconde. Le son émis par les bulles coïncide avec l'émission d'une lumière. Si brève, sans doute de quelques milliardièmes de seconde, et très faible. Les chercheurs ont choisi de baptiser le phénomène «crevettoluminescence». L'existence de cet éclair de lumière signe la présence d'une forte chaleur et de pressions élevées au sein de la bulle. On peut constater dans les bulles une température atteignant 7 000 degrés et une pression de cent fois celle de l'atmosphère. Ces bulles sont donc le siège de réactions chimiques très particulières qui sont étudiées pour dépolluer l'eau. Quant à la crevette claqueuse, rien ne dit qu'elle utilise cette lueur pour se défendre. Elle est indétectable à l'œil. Il s'agit seulement d'un effet secondaire de la cavitation. Les crabes indésirables sont donc «sonnés», mais pas éblouis.
Le phénomène de cavitation est redouté des constructeurs de bateaux et de sous-marins, car il provoque une érosion des hélices et facilite leur détection acoustique.

     « C’est tout ce que j’avais à dire sur ce sujet. » comme dirait Forrest Gump dans l’excellent film du même nom (récipiendaire de six Academy Award) que nous venons de visionner à nouveau à bord de MARSEA.

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